Quelques rappels

 

La guerre de 1940-45 a frappé les Mosellans de diverses manières et la France n'y comprend rien. Les destins différents des uns et des autres, s'ils ont certes empêché la prise de conscience de leur malheur commun, n'ont pas facilité non plus sa compréhension par le reste des Français... Or les évacués de 1939 ne sont pas les expulsés de 1940, tout comme les transplantés de 1941 ne sont pas les enrôlés de force de 1943. Et nous ne parlons là que des tragédies les plus massives.

Qu'il nous soit donc permis de revenir sur des incompréhensions habituelles:

1. Deux Français sur trois pensent encore que l’on "parle allemand" dans l’Est de la France depuis la défaite de 1870! Je me souviens d'un présentateur de télévision qui démarra sur cette bourde avant de m'interviewer... On trouve même de fins connaisseurs qui attribuent la germanisation à l'arrivée des nazis en 1940... Pour finir, la France ignore que ce parler local n'est pas l'allemand, mais un dialecte francique. Et pour compliquer les choses, ce dialecte germanophone n'est implanté que sur une moitié du département.

Il existait déjà au temps des Romains...

2. Parler de Lorraine à propos des germanisations (1870-1918 ou 1940-1945) est absurde alors que les trois autres départements lorrains, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et les Vosges, n’ont jamais été annexés.

Il faut dire "Alsace-Moselle" quand on parle des annexions.

3. La Moselle n’existe pas dans nos livres d’histoire, seulement dans ceux de géographie. Et comme la nature a horreur du vide, les voisins alsaciens ont pris l'habitude de parler à sa place. La Moselle est introvertie alors que l'Alsace est extravertie. L'assimilation quasi automatique des deux provinces n’a certes rien d’infamant, puisqu’elles ont, l'une et l'autre, souffert des guerres. Mais elle interdit de comprendre la complexité mosellane.

Chaque fois que la guerre est mise en scène dans dans l'Est de la France, l'Alsace occupe tous les fauteuils et la Moselle un strapontin.

4. En Alsace, les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont, quasi totalement, de dialecte alémanique. Alors que le département de la Moselle est coupé en deux par une diagonale des langages. Il a des habitants germanophones au nord-est et des francophones au sud-ouest. Le reste de la France n’a aucune idée de ces deux Moselles jumelées.

La ligne de séparation linguistique est la clé de la singularité mosellane.

5. L'ignorance cruelle de beaucoup de Français envers la réalité frontalière n'est pas du mépris. Mais elle enserre la mémoire mosellane comme une bande molletière bien ajustée. Normal: Produit batard d’un folklore de tourlourou qui date de Napoléon III, elle s’est nourrie des imbécilités revanchardes à la Belle Epoque. La France profonde a souri en famille en écoutant les rancoeurs d’un oncle ou d’un cousin qui avait trop attendu la quille entre Metz et Sarreguemines.

Les blagues de caserne à propos des "Boches de l'Est" ont blessé trois générations.

6. La vieille terre des frontières est tapissée de verdure apaisante et de forêts gonflées de poésie. Il suffit de s'y promener pour le savoir. Beaucoup de Français de l'intérieur, venus à Metz pour leur travail en traînant des pieds, vous avoueront qu'ils ne croyaient pas la ville aussi belle ni les Mosellans si attachants. La preuve, c'est qu'ils y restent à l'heure de la retraite. Hélas, injustement caricaturée depuis plus d'un siècle par une rumeur de troufions moroses, la Moselle demeure à la merci du premier imbécile venu. Et ce dernier, bien incapable pourtant de montrer sur une carte où se trouve le département, vous resservira, "comme en quatorze", sa rengaine familiale en parlant d'un désert bordé de barbelés rouillés, sur lequel vit une population de "Casques à pointe" qui baragouinent le français encore moins bien que l’allemand. C'est bête, et c'est insupportable. Ici, on est toujours le Boche de quelqu'un.

7. Au risque de bousculer la pudeur des Mosellans qui n’aiment pas trop qu’un étranger raconte leurs malheurs à leur place, ce site veut montrer, aux esprits nourris des Lumières, la frustration du département le plus humilié de France.

Ce n'est pas une idée en l'air, c'est de l'Histoire. Mais il faut admettre que cette histoire est très compliquée.