Jacques

Jacques Gandebeuf, cet auvergnat devenu passeur de la mémoire collective des Mosellans et l’auteur de ce site, s’est éteint le 24 mars 2022 à l’âge de 95 ans.

Il n’y aura donc plus de nouveaux posts mais l’héritage que M Gandebeuf nous a laissé sous forme d’articles et de témoignages reste toutefois accessible et consultable.

 

01

Deux jours avant Noël, au couchant, alors que j’arrivais pedibus place d’Armes en débouchant de la rue Fabert, j’ai ressenti un choc du troisième type en confondant la cathédrale de Metz avec un Soyouz au décollage.

Sur le banc des habitués du 83, un couple témoin de cet embarras m’avait ramené sur terre en s’esclaffant. J’avais seulement pris la Grande roue géante pour une hélice apostolique.

Ils ajoutèrent que cette hallucination était fréquente en ville en pleine époque des cadeaux. La Moselle, comme tout le monde, a peur du vide depuis que le Covid y fait le plein. Les vieilles générations regrettent le passé, alors que des surdoués de quinze ans se régalent déjà des conflits à venir avec des "martiens" de toutes les couleurs.  Comme si c’était le moment de godiller dans le cosmos.

Cette agitation hors sol bouscule en effet nos calendriers. Elle nous détourne de nos devoirs républicains alors que se profilent des élections compliquées. Elle met hors de ses gonds la gent traditionnaliste.

On m’a parlé à Metz d’un quartier-maître qui, depuis 2002, savourait sa retraite dans un chalet du bord du canal. Il devait ses joues balafrées à sa manie de se raser dans la salle de bain dès qu'il entendait passer les canards : en leur sifflotant « Les gars de la Marine ».

Il aurait changé sa manière. Au fenestrou embué de sa véranda, dès qu’il voit arriver une barque il entonne : « J’ai deux Zemmour … mon pays et Ciotti. »

Ces bouleversements culturels n’indiquent pas  la fin des civilisés car notre humanité n’a aucune envie de se détricoter comme un vieux pull. Par contre, l’idée noble qu’on se faisait du politique s'endort à l'heure de la sieste dans nos pantoufles.… Nos façons de vivre, nos idéaux, nos intuitions, nos partis pris, nos amitiés, bref, tout ce qui vibrait en nous est en manque. On n’entend plus que des guerriers, des prêcheurs ou des profs amers. Pour comprendre que la mort fait partie de la nature, nous sommes dorénavant obligés de sucer, du pissenlit, la racine carrée.

 

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01

Prise en 1918 à Metz, elle n’a pas besoin de légende. Son fond sepia trahit l’époque et nous ramène en petite vitesse à Déroulède et Barrès.

Dans sa candeur un peu formelle, l’image émeut par son ingénuité. Comme si une poussière de bure, ne pouvant rosir les joues du trio, se perdait dans les replis d’un petit zouave culotté dont l’épée ne serait qu’un poil au menton. Leur innocence fait vibrer l’esprit des lieux.

Un document aussi chargé de mémoire, on n’en voit plus dans les vitrines mosellanes. C’est notre amie Dominique Losson qui m’a prudemment sorti le sien d’une enveloppe, après après l’avoir décroché d'un mur de son logis.

  Une sorte d’icône ?

  Oui et non. Elle était depuis si longtemps chez nous que nul n’y prétait attention. Mais il a suffi qu’elle disparaisse pour que mes enfants crient au voleur. Je les ai rassurés".

On peut penser qu’en pays mosellan, il doit dormir, dans les tiroirs francophones, bien d’autres documents du même esprit… De 1871 jusqu’à mai 1945, les photographes messins ont vécu trois guerres et n’ont jamais chômé.

Dans les dernières années de la première annexion, Emile Losson, le grand-père de Dominique, avait planté en 1905 près de la place Saint-Louis, le premier drapeau de la famille, en rachetant la “Pharmacie de la Croix de Lorraine“, à l'angle d’en Fournirue et Jurue.

 

02

Dès la guerre de 1914, il fut expulsé en Haute-Silésie, près de Breslau. Marie, son épouse, resta seule dans la boutique messine, avec Simone et Marc, leurs deux enfants. Ils vivaient au premier étage.

Dominique raconte : “Dès qu’un Allemand eût pris à Metz la place de mon grand-père, il exigea de Marie qu’elle continue de garder la caisse. Elle devait en somme, toute la journée, tenir compagnie à l'occupant.“

Son mari était loin et elle n’avait aucune idée de son retour. On le voit sur une photo (x) prise en 1915, avec des collègues et ses gardiens.

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A Metz, quand cet apothicaire venu d’ailleurs eût pris goût à la place, il entreprit de gommer en douceur le souvenir d'Emile en exil en faisant la cour à son épouse... La dame réagit illico en allant se plaindre aux autorités. Et comme les dites avaient horreur des vagues et gardaient grand souci des apparences, elles se déclarèrent “désolées de l’incident“ et virèrent le gêneur.

On dépêcha un autre pharmacien, qui, d'après Marie, sut rester correct. Il voulait seulement qu'elle acceptât de partager son repas de midi dans l'arrière boutique. Elle fut bien obligée, c’était le patron.

Il était prévisible que dans cette monotonie quotidienne, il lui demandât un jour de 1915 de descendre à table avec les deux enfants alors que ces derniers restaient quasi cloitrés avec leur gouvernante à l'étage. Chaque matinc'était la même épreuve. Ils traversaient la boutique  le nez au sol pour aller en classe et remontaient en catimini. On ne pouvait  faire autrement.

– Encore un piège ?

– Sauf pour Marie qui avait du caractère. Elle refusa d’une voix forte. Pas question que des êtres aussi jeunes acceptassent de partager la soupe de l’envahisseur, qui plus est dans la maison de leur père, alors qu’il était prisonnier des Allemands. L’autre n’insista pas.

– C’est beau comme du Colette Baudoche !

– On peut dire ça comme ça.“

L’épouse d’Emile connaissait probablement le bouquin de Barrès depuis longtemps car faute d’arriver sur la table, il se lisait depuis 1909 sous le manteau. On peut même supposer qu’elle ait vibré en bonne Lorraine. Il restait malgré tout entre les deux femmes une différence : A la sortie du livre, Marie était déjà bien vivante alors que Colette, certes aussi déchirée, n’était qu’une belle idée, une chimie mijotée en cornue dans la tête allumée d’un écrivain célèbre.

Quand arriva 1918, la paix n’en pouvait plus d’attendre et Marie encore moins. Les Boches avaient perdu la guerre et l’ambiance changea d‘un coup dans la “Pharmacie de la Croix de Lorraine“. Alors que midi s’approchait, et que les Allemands quittaient la ville, c’est une femme souriante et survoltée qui costuma ses deux enfants ainsi qu’une jeune voisine alsacienne demeurant dans la maison. Quand le trio, très conscient du moment, descendit les marches, le pharmacien crut qu’ils venaient lui dire au revoir. On imagine un Teuton radouci, très surpris par cette volte-face, alors qu’il savait que son séjour messin était fini. “Ach so ! C’est très chentil“

Marie répondit qu'elle ne venait pas pour une accolade mais pour fêter la fin de la guerre, le départ des Allemands et le retour prochain de son mari. Un jour pas comme les autres, en somme. Si Marc et Simone l’accompagnaient, c’était seulement pour la photo.

Le pharmacien ravi, n’avait pas encore compris.

– Avec moi, la photo ? Tous ensemble alors ? Souvenir ?

    Non, non, pas vous. Rien que les enfants

A la sortie de ces minutes électriques, on imagine l’Allemand caramélisé. Il claque les talons, se casse en eux. Et sur un “Je vous salue, Marie“ assez peu catholique, il quitte la pièce et va finir ses valises. Foto kaput. Il ne verra pas le petit oiseau qui va sortir car Marie l’a pigeonné.

Auf Wiedersehen. Pour Marie et les enfants, la journée se termine chez un professionnel du quartier. Moment sacramentel à ne jamais oublier. Un beau cadeau pour Emile.

Et le temps passe... Au retour de l'exilé à Metz en 1919, le couple gère sa “Pharmacie de la Croix de Lorraine“ au rez-de-chaussée de l’immeuble, à l’entrée d’en Jurue. Ils logent toujours au premier étage.

NB. La photo… Pour ceux qui ont besoin d’une bonne vieille légende, la jeune voisine est en Alsacienne, le petit Marc en zouave et sa sœur Simone en Lorraine, forcément.

 

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Saint Sigisbert 1 2

Alors qu’elle fut élue trois fois la plus belle de France, la gare de Metz a perdu, on le sait, tout espoir de devenir, en septembre, le monument préféré des Français. Au concours de France 3, la Place Stanislas l’a doublée.

Les Messins doivent se calmer. Les Nancéiens n’y sont pour rien. Très fiers d’être choisis, ils ont même vécu un conte de Noël assez rare en été. Emus par un fait-divers imprévisible, ils ont spontanément répondu par un geste chevaleresque, un moment lorrain quasiment magique. S’il s’était agi d’une entourloupe, Metz aurait vite réagi.

Souvenez-vous, c’était dans le journal : un lycéen parisien saute dans le train aux aurores pour passer le bac à Reims dans la matinée… Il relit fiévreusement son programme, la dernière chose à faire quand on bachote. Il frôle sans les voir les vignes de Champagne, et se retrouve en gare de Nancy, totalement perdu dans sa bulle.

La mémoire tourbillonnante, il implore la providence, ignorant que le protecteur de la ville, un certain Sigisbert, ne peut présentement alerter Saint-Pierre vu que son portable est en panne.

Même un Saint patron peut être cocufié par un chef de gare. Comprenant le désarroi du candidat, la SNCF lui offrit en effet un bon de taxi de 450 euros pour tenter de rattraper son retard. Le premier chauffeur disponible, Boudriss Ben Abba, fut touché au cœur lui aussi et démarra fissa. Il tenta de passer par Bar-le-Duc en espérant éviter les contrôles mais les gendarmes l’arrêtèrent pour excès de vitesse…

Miracle. La compassion ramollissant parfois les casques, la maréchaussée passa l’éponge. Bien mieux, toute sirènes à bloc, elle entreprit à chaud d’escorter le taxi jusqu’à Reims, à l’allure qu’on permet aux ministres… Les motos débouchèrent à temps.

Voilà qui fait plaisir à lire. C’est beau comme un arc en ciel après l’orage. Sentir que le monde est gentil alors que depuis quelques mois, la presse nous abreuve de récits qui bousculent… Prenez le cas de ce Polonais mal élevé, arrêté pour vol à Nancy alors qu’il se carapatait vers les Carpates. Il répondit de façon si personnelle à l’avocate qui voulait lui faire honte qu’elle sait depuis comment on traduit flatulence à Varsovie.

Plus pénible encore à comprendre est la résistance aux vaccins. Une minorité de fiers Gaulois que, pour ne pas les provoquer, on fait semblant de croire sincères, continue sa danse des canards. Pensez donc… On voudrait les empêcher de faire la fête… Quelques préfets parlaient déjà de guérir ces têtes de mule en échange d’un gros week-end à Disneyland. Et puis quoi encore ? On bousculerait leur liberté, soit, mais partout des gens meurent, qui pensaient comme eux.

Des médecins prenaient ces irréductibles à partie, en évitant de les vexer : « Ce n’est pas le virus qui se promène mais vous, si vous l’avez. » N’empêche qu’à Metz, ils étaient récemment des milliers à leur rire au nez, à parler de dictature et à se prendre pour des croisés.

« Elle a bon dos, la dictature » leur avait illico répondu Joseph Agostini, un psychiatre hors de lui. « La vraie pandémie, c’est votre obstination orgueilleuse. »

Faisons l’effort intellectuel de ne pas confondre ces entêtés avec le reliquat des obsédés du complot, dont le nombril est bourré de haine comme l’escargot de beurre à l’ail. A Nancy deux cents constipés de la liberté n’avaient trouvé, pour décompresser, qu’une corde à mettre au cou de l’effigie du pompier de service. Ces preux chevaliers que le moi boursoufle affichent un genre d’humour qui fait peur.

Du coup, le vice président de Metz métropole s’était senti obligé de lancer une bonne poignée de poivre dans la potée universitaire qui se mijotait dans les arrière cours. Il refuse la fusion complète des deux villes car elle lui fait penser à la recette du pâté d’alouette : un cheval, une alouette et ainsi de suite.

En attendant la Saint Glinglin pour laver un jour l’échec d’un monument européen que cet énervé de Barrès comparait à un pâté de viande, le maire de Metz a vite inauguré une plaque à la gare, avec l’air de dire qu’on ne l’aura pas deux fois.

Aucun sondage n’a par ailleurs osé prévoir qu’en septembre, la plus belle place de France puisse devancer au sprint quatorze concurrents triés dans l’hexagone. L’ennui, c’est qu’en cas d’échec, les Nancéiens vont penser que les Messins s’en sont réjouis.

Le plus drôle dans ce bouquet de chicayas lorraines, c‘est qu’on prévoit d’installer un local poubelle à Metz, à la place de la Trésorerie. Comme si l’argent n’avait pas d’odeur.

Pour ne pas trop dramatiser le chantier qui s’annonce, mieux vaut dorénavant avoir un drone au bout des pouces. D’en haut, c’est plus clair. Bousculée par les manières américaines, l’info quotidienne est devenue piégeuse. La brutalité des symboles paralyse l’expression des sentiments et ridiculise la démocratie. Elle ralentit nos prises de conscience alors que l’océan continue de grignoter le bas des falaises, le feu rougit nos horizons et la connerie finit le travail.

Par chance et besoin d’air frais, je viens de revoir, tourné dans un pays d’Asie par Nicolas Hulot, un film vieux de vingt ans, où l’on voit des murènes aux anges se faire nettoyer les dents par des crevettes… Et un autre sur Arte, réalisé en 2019 à Bornéo, dans lequel une bruyante fratrie d’orphelins orangs terrorisés se jette dans les bras d’une petite armée de sauveteurs attendris.

La terre n’est pas méchante mais la nature a ses lois. Notre amie Yvette Illy s’en souvient, j’en suis sûr. Avec pudeur, elle évoquait récemment la vie quotidienne de Plappeville dans les années 1950… Un monde sans portable mais resté sensible à la poésie des objets, à la chaleur des animaux familiers ou aux bruits familiers des maisons.

Le gratter pointu du pique-feu, l’humilité du seau à charbon, le rinçage des potins au lavoir, le moulin à café qui embaume, le moule à gaufres au manche enfariné, les trois poils dressés du chien qui dort d’un œil et les briques qu’on sort du fourneau avant d’aller au lit… Le silence et la paix, quoi !

 

JG. août 2021

 

01

Il aurait perdu le sommeil. Ceux qui ne l’aiment pas disent qu’il l’avait bien cherché. Sa houppe nous dit qu’il avait la tête ailleurs.

En quoi les nuits blanches de ce découvreur agité pourraient-elles nous troubler alors qu’en Moselle, le projet Grand-Est dort comme un bébé ? Vous verrez plus loin.

Né en Afrique du Sud mais Canadien par inclination, puis Américain par calcul et déjà Martien par la mèche, il est surtout connu comme un caméléon roublard. Sauf qu’au lieu de changer de couleur, il change de passeport. Sa réputation fait aussi penser au lapin blanc de la pub Duracel qui gagnait tous les sprints au son du tambour.

Et soudain, même en comptant les moutons, pas moyen de fermer l’œil. A force de se laisser Haley dans le dortoir des comètes, Elon a fini par snober ses pantoufles en oubliant que sur terre, la nuit continuait de succéder au jour.

02

La planète rouge l’aura vampé... Elle est pour lui une idée fixe. Son plan prévoit d’y revivre, dans leurs chariots blancs, l’épopée des premiers Américains il y a deux siècles. L’allusion ne manque pas de panache car la mythique errance des Conestoga vers l’Ouest fait partie de la mémoire mondiale. 

Avec une nuance pourtant. Les anciens se cherchaient un lopin pour planter du maïs, alors que le bazar informatisé que l’on voudrait envoyer sur Mars devra pomper du dollar, au nez de la NASA qui pensait encore enchanter nos rêves.

 Evidemment, ça fait jaser. Le milieu très pointu des bureaux d’étude se pose des questions depuis l’insomnie du patron. Des astronomes jaloux, ravis de voir un promoteur perdre la boule, se sourient en recevant l’écho d’une musique céleste qui, d’une galaxie à l’autre, paraît chevaucher l’infini, En fait, ce sont des anges qui chantent. Ils jubilent.

« Elon s’en fout, de risquer la rougeole,

Elon s’en fout pourvu qu’il fasse des sous.

 

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1

Depuis le Covid et ses pangolinades, l’ennui décore ma salle de bain. Quand je passe le soir un pyjama devant la glace, j’ai l’impression de l’enfiler sur celui de la veille sans être sûr de retrouver tous mes virus au matin. Au fait, on est le combien aujourd’hui ?

Bertrand Picard m’a redonné le moral. Il présentait à la télé son film “Solar impulse“ et je tombai  amoureux de sa libellule dont le rable élégant me fit penser au carrelage bleuté des piscines. L’ombre de son radar s'engouffrait dans les caprices d’une rose des vents totalement hors sol. Il lui faudrait, pour tenir le cap, étaler des  bulles d’azur sur la  rondeur des nuages comme, en Moselle, un cantonnier de l’A31 aligne sur le goudron des sucettes au citron.

L’ennui, c’est que depuis 1995, l’espoir que nous apporte Picard a besoin de passer par la grande porte alors que nous,  Terriens en pleine déprime depuis 2020, en avons perdu la clé. Notre imagination est devenue muette, sous la nappe inquiète de nos vies. La pandémie nous a rapetissés.

Quel bonheur de voir cet Helvète hors sol narguer de sa hauteur nos pesanteurs bloquées… Il symbolise la paix, la contradiction, l’écoute. Il peut tout se permettre et même foncer, en petite vitesse, vers un très matinal café croissant beurre, servi sur un tarmac où la nuit va tomber. Il nous ouvre un avenir décalé.

Ce frôlement  extra-terrestre  fait penser au curseur de la fermeture éclair qui barrait l’entrée de nos tentes quand j’étais chez les scouts... A l’heure de la sieste, le plus courageux  en pinçait  la navette qu’il tirait en baillant pour que notre soleil marche à l’ombre.

Evidemment, chez Picard, c’est l’inverse. Il ferait plutôt dans l’ouverture éclair, feignant d'ignorer qu’une année de Covid a suffi pour oublier nos douces mémoires : Nos complicités au musée, nos musiques au bord des larmes, nos diners où l’on ne s’ennuyait jamais, la force des émotions sportives, le clin d’œil des sorties de cinéma, les voix d’ensorceleur au théâtre, nos familles faciles, les amis au bout du monde et le printemps qui chaque année pointait.

Le printemps ? Bof ! Quel printemps ? On ne risque pas de le trouver dans la marée de bulots pourris que pêchent les réseaux sociaux et dont la presse se croit  obligée de balayer la coquille jusqu'à nos boites aux lettres  bourrées de néant.

Pour nous remonter le moral, un double bras d’honneur. D’abord pour Xavier Lescure, un quadra bavard bien qu'infectiologue, qui voudrait faire payer aux vieux la rareté du vaccin. N'a-t-il pas dit aux Mosellans que “la vie au-delà de 80 ans, après tout, c’était du bonus" ... Pour moi, cet agité n’a pas de parents.

Ensuite pour ce mal élu de Sarrebourg qui, trouvant que le Festival mondial de musique baroque coûtait trop cher à ses concitoyens, ajouta “qu’ils se comptaient sur les doigts d’une main.“ Pour moi, cet incompris n’a pas d’oreille.

 

JG. février 2021

 

 

01

Début décembre 2020, la pensée d’un Noël à double tour et d’un Réveillon coincé n’enchantait personne. La Lorraine broyait du noir en imaginant des fêtes en pantoufles.

Il aura suffi que Denis Hilt m’envoie les deux “spatz“  à la proue de ce blog pour que ma dépression s’efface. Ils ne sont pas très bavards, ces oiseaux rescapés de 14-18 et pourtant, dès que je les ai vus, j’ai pensé au Cid de Corneille, la scène 2 fameuse de l’acte II... Un défi implacable : “A moi, Comte, deux mots !“  Deux orgueilleux qui se toisent… “Ote-moi d’un doute“. Mais dans ce moment de vérité, la malice de Rodrigue est évidente. Un traîneur de sabre ordinaire n'aurait jamais su comment aiguiser sa verve pour bien asticoter don Diègue avec des vers !

 Les deux matamores que m’a fabriqués Denis sont devenus fûtés, comme Rodrigue. Ils n’ont plus aucune envie de se regarder en chiens de faïence mais se méfient encore. Ils savent qu’après la guerre, c’est comme après l’amour, le premier qui cause dit une bêtise..

Leur tango silencieux nous distille  un état d'âme que l'on perçoit rarement dans les cérémonies du souvenir. L’ombre d’un doute se répand sur leur épopée d’Epinal.

Les gens de Moselle, à ce propos, sont vaccinés. Ils savent que le bleu horizon pouvait être germanophone mais le vert de gris francophone à l’inverse. Passons.

Denis Hilt a dû beaucoup s’amuser à Montigny en modelant dans sa glaise mes deux spatz en état second. Leurs petites pattes en ont plein les bottes. Séparés, ils restaient un drame. Ensemble, ils deviennent les santons d'un diorama breughelien

Seul un Mosellan pouvait imaginer nos deux  lilliputiens dans une telle gadoue métaphysique. Sous le casque où ne tournaient que des certitudes, l’idée leur vient enfin qu’ils se sont fait avoir.

C’est du moins ce que j’ai ressenti. Qu’ils entrent donc, par la grande porte, dans l’iconographie de “Moselle humiliée“…

D’autant que je viens de vivre autour de Sainte-Croix un happening de même nature. Dans l’un des minibus qui roulent gratis entre la Préfecture et Pompidou, un inconnu assis face à moi me regardait à bout portant. Nous étions certes, grosso mod, à 400 000 kilomètres l’un de l’autre, vu que chacun était dans la lune.  Mais comme c’était la même…

J’ignore quel éclair d’empathie nous a liés comme les deux spatz de Denis. Je me suis dit brusquement que sous son masque bleu, mon inconnu du minibus cachait un visage humain. Et s’il a cessé de me regarder dans les yeux, c’est qu’il a pensé que j’en avais un aussi. Tout comme les piafs ont la même tête de moineau.

Notez que chez moi, un piaf auvergnat s’appelle un “friquet“, alors que mon inconnu avait plutôt l’air d’un “pieurot“ du sud mosellan.

Côté distanciation, c’était raté. Nos deux nez bleus s’étaient mélangés dans la vitre où des dentelles de buée s’étalaient sur une tartine de Corona. A l’extérieur, dans un glissement de vitrines closes, la vie défilait en petite vitesse et c’est la rue qui faisait le trottoir.

Je n’ai pas osé demander à mon Messin si on ne s’était pas déjà vus. A l’arrêt place de la République, nous nous sommes enfuis, chacun de son côté.

C'était prudent mais depuis, du haut du 83, je m’exerce à deviner, sous les masques bleus, qui sont les "spatz" et qui sont les "pieurots".

JG décembre 2020

 

 

 

001

Souvenez-vous. Quand deux ouettes dodues comme des chapons mais rien à voir avec des mouettes, avaient profité des Rameaux pour couiner la Pâque à ma fenêtre, elles m’avaient tellement bluffé par leur superbe que j’y vis l’aplomb des rois mages. Cette audace bruyante, dans un Metz aux rues vides, sonnait comme une prophétie.

 

002

Mais je m’égare… Ouette que j’en étais ?

Ah oui ! Bien que le cri râpeux de ces deux palmipèdes m’ait alors fait penser à l’agonie d’une chambre à air, je l’avais naïvement perçu comme un air de flûte, un cadeau peut-être ?

Bon sang ! C’était bien sûr ! Le duo m’informait que les deux mille lecteurs de “Moselle humiliée“ n’attendraient pas Noël pour afficher un million de visites au compteur. 

J’ai bien dit : un million de visites et non de visiteurs… Qu’à cela ne tienne : Le chiffre prouvait au moins que depuis 1996, je ne m’étais pas mosellisé pour des quetsches.

Hélas, une couverture du MAG consacrée aux débuts de la guerre est venue récemment doucher ma naïveté… Grosso modo, le 18 septembre 2020, elle annonçait aux Mosellans version Coronavirus que l’exode des Mosellans version Maginot datait de 80 ans déjà.

Diable… La carte que vous voyez montre en rouge et bleu les deux zones d’évacuation de septembre 39 et mai 40, mais elle ne dit rien, évidemment, sur la débâcle qu’entraîna l’attaque allemande en mélangeant les militaires et les civils. La confusion s’installa dans la continuité incontrôlable d’un énorme chaos national.

Ceci dit, ledit Exode, avec un E majuscule, avait démarré en septembre 1939. Va pour les 80 ans de l’anniversaire, à condition d’en ajouter un de plus !

Récapitulons, c’est le cas de le dire… On avait vu d’abord des Français qui évacuaient d’autres Français vers l’ouest. Et puis, dans la foulée, la panique s’était relancée vers le sud alors que les Stukas mitraillaient les routes… Une partie de ces milliers de pauvres gens fuyant l’orage avait mis du temps avant de faire demi-tour. Les nazis qui venaient d’occuper leur village attendirent en jubilant que tout le monde soit rentré à la maison pour en chasser les plus rétifs

L’on comprend que pour disséquer à chaud cette énorme pagaille où s’emboitaient fort mal des drames différents, les historiens n’aient pas été trop regardants. D’où leur tendance à ne pas trop chipoter sur les dates. 

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1

Les anciens d’Amnéville avaient, dès la fin juin, eu vent qu’un bruit courait… Le bronze du général de Gaulle, patiné depuis une trentaine d’années sous leur regard quotidien, allait dans quelques jours, partir aux enchères.

Ce n’était pas une blague. L’œuvre appartenait à l’Office de tourisme, et ce dernier, mis en faillite, devait s’en dessaisir, c’est la règle. La vente avait eu lieu à Verdun.

Que dire, une vente ? Un piège plutôt… Il fallait un certain goût du risque pour tenir ce rendez- vous, certes assez rigolo, à propos d‘un général qui ne l’était pas tous les jours.

Du coup, la séance n’eût pas le rythme habituel des surenchères à bout de souffle. Très vite, on s’aperçut qu’un diable se planquait dans la tranchée avec un téléphone en guise de baïonnette. Une fois… deux fois… trois fois ? Adjugé !

C’est ainsi qu’au lieu de la pelle du 18 juin, ce fut, pour le gagnant, la bonne pioche du 16 juillet.

Mise à prix à 5 000 euros, l’œuvre de Claude Goutin se retrouva, pour 68 000, parachutée en 2020 sur nos élections municipales comme un bazooka de deux mètres largué d’un Lysander anglais sur un maquis de 1943. Le premier qui le trouvait dans la bruyère le rapportait alors au commandant.

L’identité masquée de l’acheteur plongea le public dans un abîme de suppositions folles, comme il l’aurait fait pour un Picasso. Qui pouvait tirer les ficelles ?

Le petit groupe d’Amnévillois savait certes qu’il faut un perdant au bout d’une enchère, mais ça ne l’empêcha pas de quitter Verdun avec l’impression de s’être fait rouler dans la farine.

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La municipalité fit appel devant un procédé qu’elle jugeait cavalier car sa crédulité n’avait pas pesé lourd dans la balance. Elle avait espéré un grand moment de communion mosellane. Elle croyait que le panache du grand Charles empêcherait un étranger de desceller sa longue silhouette et de la trimballer ailleurs comme on coupe un bambou.

Par miracle, le mystérieux acheteur n’était pas insensible non plus. Dès qu’il eût flairé que le fric frac pouvait mal passer dans la mentalité locale, alors que dans la départementale, on n’était même pas au courant, il révéla son identité : la société Derichebourg.

Dans la tête des Amnévillois, le nom fit d’abord sourire… Ensuite, ce fut la gêne. L’achat semblait malvenu à propos d’une personnalité hautement patrimoniale, alors que la firme est plutôt connue en Moselle dans le retraitement des déchets.

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Constatant les dégâts, Derichebourg fit carrément marche arrière et l’anguille sous roche apparût. La firme offrait la statue… à la ville de Metz, ce qui changeait la perspective.

La nouvelle municipalité messine, élue fort démocratiquement, mais à un bretzel près, ne pouvait en effet rester silencieuse. Le maire fit d’abord savoir que ses intentions étaient pures. Un cadeau, ça ne se refuse pas mais lui, personnellement, n’avait rien contre Amnéville. Il voulait seulement empêcher la statue de quitter le département, au cas où…

L’opposition, mal remise de sa défaite ric rac, ne pouvait rater si belle occasion de coincer une première bulle d’air dans l’alambic municipal. Une élue verte suggéra au nouveau patron de la ville de refuser ce cadeau à la hussarde. En grand seigneur, il devait retourner le bronze à la firme afin que, dans l’espoir de réparer la gaffe, elle la rende à son tour aux pauvres Amnévillois, au petit prix qu’ils pouvaient proposer.

On n’aurait pas trop de souci pour les finances de Derichebourg. Avec ses sept filiales dans le nord mosellan et sa présence dans douze pays, il n’en était pas à 68 000 euros près, même si ça pourrait monter à 80 000 avec les frais.

Depuis, Amnéville se retient de jeter de nouveaux grains de sel dans une soupe déjà mal cuite. Le maire de Metz jure qu’il n’était pas dans les cuisines mais à partir du moment où la presse entière se mord les joues pour ne pas rire, persuadée qu’il tenait la louche, il ne peut accepter de perdre la face. Aucun Paraige n’aurait le droit de priver la cité d’une statue qui va plaire à ses habitants. Même si les Messins n’ont jamais rien demandé.

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Difficile d’imaginer la réaction de Claude Goutin vu qu’au Paradis des grands bonshommes, on ne répond pas au téléphone. Par contre, on peut douter qu’à la sortie de cette opération de communication, le comptable de chez Derichebourg auteur de cette idée géniale ait touché une prime.

Il va bien falloir trancher, avant septembre. Quel que soit le vrai diable dans cette embrouille, nous lui conseillons, pour sortir du trou, de profiter d’un weekend et de sauter, masqué de bleu, dans l’autorail d’Epinal, pour demander conseil au Pinau.

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Ce jeune homme, beau comme Achille, ne vit pas en effet dans les Charentes comme le pensent les ignorants, mais sur un socle, au centre de la sage capitale vosgienne.

Aussi respectée que celle du grand Charles dans Amnéville, la statue du Pinau est l’une des élégances de la ville, Elle nous le montre fort occupé à sortir une épine de son talon. Quand on veut jouer dans les allées du Patrimoine, il faut savoir où l’on met les pieds.

 

                                             JG. Août 2020

 

 

pangolin

1515 c’est Marignan, et 1789 la Bastille. Mais 2020 dorénavant, c’est Covid-19 et des poussières... Qu'on se le dise.  Cette sale histoire de virus aura troublé Metz et Nancy même si la chance resta minime de croiser (comme sur ces photos, de gauche à droite) un pangolin au coeur de Coislin ou un tatou à l’entrée de Laxou.

Paris avait promis des milliards à la région pour compenser l'effort hospitalier… Or la Moselle s’est vite aperçue que le compte n’y était pas. Avec plus de 800 morts, elle recevait la moitié de la Meurthe-et-Moselle qui , fort heureusement pour elle,  déplorait moins de 400 décès.  L'affaire est à suivre. Tout va dépendre des élections.

On comprend mieux le sens d’une inscription bizarre, retrouvée récemment dans les fouilles à Bliesbruck : “Le pangolin n’en pense pas moins mais avec le tatou, faut s’attendre à tout “

Le Grand Est n’aura pas eu le temps de  raconter ce printemps funeste. Dès qu’à Mulhouse un jamboree de contemplatifs eût ravalé son prêchi-prêcha, toutes les blouses blanches de la région se sentirent aspirées, comme dans un entonnoir, vers un labyrinthe de couloirs bleutés mais hélàs encombrés d’urgences, un enfer qu’elles eurent l’élégance de ne pas quitter avant de finir le travail. Même les paons les plus moqueurs du zoo d’Amnéville n’auraient pu les accuser d’avoir abusé de la pause-café.

Fort occupés depuis à trouver des lits vides, nos courageux samaritains n’avaient même pas eu le temps d’écouter la radio, ce qui leur permit d’échapper au babil des spécialistes, autour des studios. Quatre mois plus tard, nos "consultants" postillonnent encore en direct dans le poste… Devenus des fakirs du Corona, une centaine de quadras survoltés répondent au premier coup de téléphone pour mettre un grain de sel dans la soupe. Bien que rarement du même avis dès qu’on les filme, leurs egos s'étalent dans l’hexagone en ignorant les finesses d’antan. Ils ont oublié qu’il faut toujours enrober de conditionnel un argument qui décoiffe. Ils ne savent pas que la meilleure façon de désarmer le perroquet d’en face est de lui confier qu’on a pu se tromper.

Pour la presse, une prise de bec est donc l’aubaine. Avec un peu de yoga et le goût de la dispute, tout mot qui fait mal n’est jamais que balle perdue. Notez que ces Oracles ne disent pas forcément des bêtises. C’est plutôt leur assurance, nous dirons leur condescendance, qui ne passent pas.

Depuis la multiplication des vidéo-conférences, ils arrivent enveloppés de papier argent, alignés comme des marrons glacés dans une boite. Chacun dans sa petite fenêtre avec ses trois rangées de bouquins dans le dos pour montrer qu’il est cultivé, ils attendent leur tour de chauffe. Quand l’un d’entre eux dit une ânerie, on en repère toujours deux ou trois qui se mordent la joue pour n’en pas sourire, juste assez pour qu’on s’en aperçoive… Si l’un d’entre eux ne bronche pas, c’est qu’il est de la vieille école.

La vidéo-conférence à propos de la pandémie est devenue un Jeu de l’Oie métaphysique. On s’interroge sur le sens de la vie en pensant aux élections. Pierre Desproges nous avait pourtant prévenus que le pangolin avait horreur de tout ce qui bouge. Son truc, c’est qu’on lui foute la paix. Il ressemble, disait-il, à un artichaut à l’envers avec des pattes prolongées d’une queue à la vue de laquelle on se prend à penser que le ridicule ne tue plus.

J’ai vérifié sur Wikipédia. Le perroquet cancane, d’accord, mais c’est sa façon de causer. Il peut crailler mais il peut aussi craquer, il peut croailler mais aussi croasser, il peut jaser dans toutes les langues... Alors que le pangolin n’en place pas une.

On a envie de le secouer. Mais défends-toi, bon sang ! Aussitôt, il se met en boule, la tête prise en étau dans les pattes. On dirait une pomme de pin obèse alors que la chauve-souris a l’air d’un Mickey en parapente, avec son petit museau rose. Quant au tatou, c’est le tatou.

Pauvre pangolin… Il devenait fatal que sa molle innocence finisse par influencer notre imaginaire européen. L'animal est dorénavant responsable des humeurs qui, depuis la nuit des temps, couraient dans sa viande. Les Chinois le mettent à toutes les sauces, avant d’aller au lit. Ils retournent une écaille et s’en servent de cuiller pour gober le jus, comme on le fait pour nos vinaigrettes, dans le galbe d'un artichaut.

Haro donc sur le pangolin. Les Français ont la manie de trouver toujours un responsable. C’est dans leur culture politique. Il leur faut une dépouille au clou. Bazaine, qui n’avait que sa nullité sous les médailles, fut le pangolin de 1870. Alors qu’aujourd’hui, des tatous bien plus excités n’ont que fureur sous les écailles. Suivez mon regard.

pangolin_2.jpg

Dans ce théâtre d’ombres, nos consultants nous rabachent que rien ne sera plus comme avant. Pierre Dac avait pourtant dit que ceux qui ne savent rien en savent toujours autant que ceux qui n’en savent pas plus qu’eux.

Je me range humblement dans cette catégorie, mais slalome tous les soirs à la télé en guettant les signes de ce renouveau éventuel. Alors que de vrais clowns, bien que destabilisés, continuent de nous pitonner les fosses nasales pour grimper jusqu’à nos cerveaux et planter leur drapeau.

                                                                                JG. juin 2020

  

 

01 ouettes

Un aveu : le titre n’est pas de mon cru.

Il est le nom qu’utilisent les Orthodoxes

pour parler du dimanche des Rameaux.

Alors que pour moi, celui du 5 avril 2020

serait plutôt le dimanche des Pieds Palmés…

 

02 rameaux

 

Or donc, en ce début d’avril, il était onze heures à Metz et dans ma bulle. Depuis un mois, je confinais dans un Web bariolé où ma curiosité mordillait les infos. Guetter sur CNN la descente aux enfers d’un Président américain devenait une tragédie shakespearienne aux dimensions d’un clown.

Dans ce climat  très anxiogène, un cri rapeux avait  affolé ma souris. Ça tenait de la  chambre à air à l’agonie ou d'une  corne de brume au Cap Horn. C’est comme on veut.

Tiens-tiens, me dis-je. What is the matter ? Les cloches de Pâques seraient-elles en avance cette année...

A la fenêtre de mon quatrième étage, où le silence qui montait du trottoir se coupe depuis un mois au couteau,  le cri rebondissait d’une mansarde à l’autre. Comme un appel.

« Il y a quelqu’un ? Il y a quelqu’un ? »

Je courrai dans la pièce à côté pour découvrir, solidement campés dans la fenêtre, deux gros oiseaux derrière la vitre. Leur bec n’avait rien d’extra-terrestre, mais dans nos rues vides, je les sentis en grand désarroi. Leur regard fixqait le Quartier impérial et sa Gare sublime, n’en déplaise à ce m'as tu vu de Barrès.

  Nos visiteurs avaient un problème, c’est sûr. Ils cherchaient leur chemin dans une ville minérale  qu'on avait mise  de surcroit en respiration artificielle. Pas un chat pour miauler, pas un chien pour bouger la queue, pas de voitures, pas un vélo. Rien qu’un Mangin en statue de sel, et toujours aussi pète sec.

Soudain, mes deux volailles se retournent et nous voient. Elles nous laissent approcher en douceur, soulagées de trouver  des Messins qui bougent. Pour les photographier , mon épouse et moi progressons comme deux Sioux en pantoufles.. Minute de charme... et nos bestiaux  brusquement décollent sans nous dire au revoir. On s’en fout ! Je les ai dans l'iPad.

Nous les recadrons dans l’ordi. C’est bien ce qu’on pensait. Des “oies cendrées“... enfin, à première vue car je ne suis pas ornithologue. Il nous faudrait farfouiller dans leur intimité pour trouver deux barres noires sous leur ventre blanc… Or chez ces animaux très pudiques, on ne rigole pas avec la vertu. J'ai peur de prendre un coup de bec,  ce qui, chez les  anatidés, vaut la paire de gifles chez les humains. La seule chose dont j'étais  sûr, c’est qu’ils n’étaient pas des Gilets jaunes. Par mail, j’envoie la photo à quelques amis.

André Greiner, qui sait plein de choses, me répond aussitôt que mes oies sont des “Canards d’Egypte“. J’ai l’air malin… Mais pas question de les prendre pour des oisillons tombés du Nil. Quand on les approche, non seulement ils pincent, mais ils mordent.

Dominique Gros, plus tard, nous met d’accord. Ces canards egyptiens à la Grèce d’oie sont des Ouettes. Il les connaît bien avec leurs lunettes noires. Depuis trois ans, du fait du bazar climatique, elles ont colonisé l’ouest messin autour du plan d’eau, en laissant tomber leur aller-retour  annuel chez Toutankhamon. Quand il rejoint à pied son Hôtel de ville, notre maire a souvent l’occasion de saluer ses concitoyennes après les avoir croisées entre Moselle et bras morts. Les miens m’en tombent.

Tant pis pour le scoop. A l’Ouette, rien de nouveau… A l'Est non plus d'ailleurs.  Je ne vois qu’un motif à ce dimanche des Pieds Palmés. Quatre pattes orphelines ont perdu leur Moselle.  Mais j’ignore comment elles ont trouvé l’adresse de ma fenêtre…

Je ne pouvais rien pour elles. Depuis que la région s’appelle Grand-Est, les quatre départements lorrrains pointent aux intermittents.   Nos confrères parisiens, déjà bien connus pour leur ignorance des subtilités locales  excepté la quiche, mes confrères disais-je, les ont carrément oubliés quand ils écrivent sur le virus. C'est comme un gros trou noir entre Alsace et Champagne.

Merci à ces braves bêtes. Je ne parle pas des collègues,  mais de nos beaux oiseaux râleurs. Ils méritent largement la palme car ils ont rechargé nos piles de poésie. Alors que tant de Lorrains sont en souffrance et que le fonds de l’air est lourd.

 JG, 7 avril 2020

 

02

Depuis qu’à Metz, au quartier de la gare, le Père Noël fait le beau sur le gazon du général Mangin, nos deux célébrités ont  des choses à se dire.  J’ai surpris leur manège en allant chercher mon pain. Vous me direz qu’ils auraient pu se téléphoner mais la Grande Poste a disparu.

Or donc, je vis Mangin regarder de haut les Messins qui passaient avec des paquets sous le bras. Il prenait son nouveau voisin à témoin.

‒ Pauvre France ! Et la Lorraine qui s’y voyait déjà… Samedi, à la télé, on peut dire qu’elle est tombée de haut. Heureusement pour elle. Car l'autre, vous l'avez vue ?

‒ Vous parlez de qui ? de Jeanne d’arc ?

‒ Je parle de leur Miss, la poupée cocorico. Elle avait l'air d'une sauterelle au bout de l'hameçon, et trempée dans le jus de tomate encore...

‒ Pourquoi dites-vous que la Lorraine a eu chaud ?

‒ Parce qu'elle l'a échappé belle. Les cuisses à l’air, il ne lui manquait plus que la plume au croupion.

‒ Simple erreur de casting. Une nouvelle robe  et ni vu ni connu.

‒ Sauf que tout le monde l’a su quand même...

‒ Qu’est-ce que ça peut faire puisque qu'elle n’a pas été élue.

‒ Des erreurs pareilles , ça fait beaucoup. Vous savez ce qu'est devenue la presse... A la première occasion, les fouineurs ne résisteront pas au plaisir de ressortir le  costume du placard. Vous l'imaginez votre Miss Pitou, déposer sa gerbe aux Monument aux Morts ?

Le Père Noël répondit dans sa barbe car il était du même avis. Si la demoiselle avait gagné  à Marseille, le mistral aurait soufflé fortg dans les cocotiers. Toute la France aurait ricané.

Sur ce, le feu passa au vert. Vingt-cinq voitures déboulèrent, plein pot, de la rue Pasteur pour s’engouffrer vers la rue Charlemagne. C’était la première fois depuis quatre ans que les Messins  retrouvaient un goudron sur deux voies, après un chantier bancaire interminable. Alors ils en profitaient, les bougres. Mais dès que le rouge réapparût, le Père Noël redonna de la voix.

‒ Mon pauvre Mangin, on n’est plus en 1870! La couturière ne voulait provoquer personne. Elle pensait faire un geste, au contraire. Un ami lui avait soufflé l’idée pour le centenaire de l’armistice. Le pantalon garance ? un clin d'oeil patriotique.   Miss Lorraine, en l’enfilant, n’y voyait rien d’anormal non plus. En outre , on la regardait déjà au Lycée,comme une extra-terrestre parcequ'elle avait des jambes de princesse.

‒ Et vous appelez ça rendre hommage ! tonna Mangin. La Lorraine n’est pas Tahiti ! Elle aurait du prévoir l'avenir

‒ Les jeunes ont un portable vissé dans la paume. On ne peut pas leur tirer les lignes de la main.

‒ De mon temps, on respectait les Poilus.

Subitement, le Père Noël devint tout rouge, sauf l’hermine et la barbe.

‒ Taratata avec vos Poilus ! Et les dragées de Verdun ? Vous me sussurrez, quand vous en sucez, que vous n’avez jamais su ça ?

‒ On ne forme pas des poupées dans les casernes.

‒ Ça, je le sais. Mais Miss Lorraine n'y vit pas non plus. C’est une gentille fille, jolie, pas bête et bien roulée. Elle allait à Marseille pour gagner, comme ses copines. Vous lui dites qu’elle a  de la chance d’avoir perdu.

‒ La belle affaire...

‒ Moi, je les plains, ces filles. Dès qu’elles montrent un centimètre de trop, on trouve un moraliste qui les voit en petite culotte…

Le général gardait les bras croisés tout en  faisaint un gros effort pour réfléchir… Mais le Père Noël était en forme.

Calmez-vous, Mangin ! Si l’on habillait Miss Montelimar en nougat ou Miss Nancy en bergamote, ça vous gênerait ?

Pas du tout.

Alors, basta ! Les deux filles ont compris qu’elles étaient novices dans le métier. Quand on veut être drôle et qu’on fait une gaffe, on s’excuse, ce qu’elles ont fait. Le coq doit cesser de chanter quand la poule pond un œuf carré.

Quand la poule pond quoi ?

Laissez tomber. C'est un proverbe chinois.

C’est alors qu’arriva un pigeon..  Ils ne sont pas rares dans le quartier mais celui-là est spécial. Il roucoule tous les matins aux fenêtres d'un deux pièces cuisine, au quatrième étage d’un immeuble bourgeois bardé de tubulure, face au géneral Mangin. Notez qu’on n’a jamais vu travailler personne sur cet échafaudage étrange, monté en urgence il y a plus d’un an ! C’est la raison pour laquelle les ramiers s’y prennent souvent pour des colombes et les colombes  pour le Saint Esprit.

Eh là, vous deux ! dit l’oiseau. Vous n’êtes pas clairs dans la tête.

On ne t’a pas sonné, répondit Mangin.

J’ai tout entendu quand vous causiez. Ne faîtes pas les étonnés. Vous le saviez que la présidente du premier Comité Miss France est une Lorraine connue pour sa dialectique affûtée. Quand on veut lui faire manger son chapeau, elle tape dur. Virée sans ménagement il y a neuf ans, elle reprochait le mois dernier à ses remplaçants de n'avoir pas tiqué en découvrant ce projet discutable. Qu’on puisse associer l'image nunuche d'un concours de beauté à l'iconographie des souffrances locales lui paraissait une offense. Alors elle l'avait fait  savoir et le président des anciens combattants de Moselle itou.

Pigeon, tu causes comme un Oracle, dit le Père Noël. Mais où veux-tu en venir ?

On devrait le savoir par cœur : côté corde, motus dans la maison du pendu. Ceci dit, comme Endemol a molli, la Lorraine s'en remettra. Miss Lorraine s'en remettra. La couturière s'en remettra. Le Comité s'en remettra. Il n'y aura, encore une fois, que les gens d'ici pour penser que cela suffit. Ils passent leur temps à répèter que la Moselle est verte, mais un tas d'ignorants la veulent encore  en bleu horizon.

Et sur ces mots, l'Oracle s'envola vers ses tubulures.

‒ C'est qu'il parlait d'or, notre oiseau... conclut le Père Noël. Nos mémoires sont encombrées de soucis refoulés. Dans cette région hantée, la moindre paire de pantoufles retrouvée au fond d'un grenier peut vous ressusciter un malgré-nous. . Si vous vous faîtes du mauvais sang, ne le fourrez jamais dans les réseaux sociaux, car ils  en feront de l'eau de boudin.

JG. decembre 2019

 

 

01 MARTINE LIT DOCA.ULYSSE 1

 

 

 

 

 

 

 

 

d ULYSSE

 

 

 

 

Dans une lettre aux odeurs d’odyssée, Martine, devenue parisienne en 1971 mais restée par le sang mosellane des Trois frontières, m’avouait récemment qu'elle se sentait par le cœur auvergnate du fait de sa naissance en 1948. Du coup, moi l’Auvergnat, devenu messin en 1966, je m’y perdais un peu...

Avaient heureusement suivi cinquante pages et des photos. À la relecture de ce ressenti plein de pudeurs à géométrie variable, je compris vite que cette dame ne racontait pas sa propre histoire, mais la ”drôle de guerre” d'Ulysse Brasseur, son papa, découverte soixante ans après dans un petit carnet noir.

Je vis aussi qu'elle avait de la mémoire. Du sang lotharingien avait beau couler dans ses veines, elle en savait sans doute autant que moi sur la moustache de Vercingétorix (qu’on voit encore de loin place de Jaude à Clermont-Ferrand) ou sur celle de Guillaume II (qu’on ne peut plus voir, même de près, à l’entrée de la Cathédrale de Metz vu qu’elle y fut rasée de frais en 1919 par un mosellan revanchard).

Sa démarche avait beau se vouloir un geste filial, elle donnait à un Auvergnat mosellisé l’occasion rare de voir de près des Mosellans arvernisés. Le récit qu’elle m’envoyait nous ramenait aux nuages noirs de 1939 alors que ma correspondante avait vu le jour dans les rosiers de l’après-guerre, quasiment une dizaine d’années plus tard. Mais son futur père avait lui, et depuis longtemps, les pieds sur terre. Vaguement conscient que l’orage était proche, Ulysse Brasseur avait gaillardement brûlé sa jeunesse dans le petit univers frontalier qui va de Metz jusqu’au village d’Aboncourt, à une quinzaine de kilomètres au nord-est, donc à cheval sur la ligne de séparation linguistique mais côté Platt.

Nanti d’un esprit pointu, sauf pour le casque, il se faisait probablement du souci pour la suite des évènements alors qu’avec quatre copains de la même fournée, il prenait la pause à la sortie du Conseil de révision. Jusque-là, comme on disait à Berlin, à l’ouest rien de nouveau.

05 LES DEUX CONSCRITS

Seulement voilà, notre homme s’appelait Ulysse, un prénom qui ne courait pas les rues dans Aboncourt... Les dites rues y étaient rares, mise à part la dénommée 78 qui menait droit vers la ligne Maginot… On se doute que père d'Ulysse ne se nommait pas Laërte, fils du roi d’Ithaque, mais plus simplement Emile. Il travaillait aux Chemins de fer alors que Blanche-Flavie sa femme, tenait la maison, avec leur fille Olga. Ajoutez 300 habitants et quelques mirabelliers autour. Pas besoin d’un drone pour en savoir plus.

La photo date du 15 mars 1939, six mois avant la déclaration de guerre. Ulysse est à gauche, dans l'encadré. A droite, c'est Hubert Houillon, qui deviendra plus tard son beau-frère.

 

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1 images bonneteau

A quelques jours des élections européennes, était-ce le meilleur moment pour jouer la Moselle au bonneteau ?

La manière fut si imprudente que même Feu le chanoine Collin s'en  émut. Lui qui, depuis 1921, dormait au Paradis des Justes, s'est offert en mai 2019 une frayeur des années trente.

Ne me demandez pas d’où je tiens l’info.

En nous excusant de ressucciter son image, rassurons donc cet homme d'église dont le patriotisme chatouilleux, vaporisé dès 1919 dans ses articles du "Lorrain", sert encore à Metz de référence au dernier carré barrèsien : Qu'il dorme sur ses deux oreilles. Quelle que soit demain la couleur du gobelet,  une Moselle en boule en sortira toujours  verte.

Mais quelle idée saugrenue de  tripoter en trois dimensions les bornages d’un pays frontière déjà suffisamment compliqué avec deux ?   et tout cela par jeu ?

Vous ne vous rendez pas compte ? Nous avons l’air fin, à présent, avec notre "Moselle humiliée"… Pourquoi pas "Moselle enfumée", du temps que vous y étiez !

C’est un souriant maire de Nancy qui  avait tiré le premier, en suggérant aux Mosellans d’aller se faire voir ailleurs. La France pourrait profiter de l’aubaine pour les remplacer par des Champenois de la Haute-Marne,   vrais-faux Lorrains sans doute, mais allergiques à l’eau Platt.

D’où ce fameux déjeuner-débat sur l’avenir du Grand-Est. Il se tenait au "Club du lundi", le genre de causette qui ne mange pas de pain mais  tartine le futur. à la petite semaine.

2 Henard fait flop chez Weiten Numeriser

  

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                           1

 Depuis cet hiver à Nancy, le feu couve à l’Université lorraine. Les pompiers n’étant pas toujours libres, c’est un serrurier assermenté qui doit débloquer tous les matins une grosse boite aux lettres en surchauffe.

Chaque fois, le premier courrier vibre de colère mais ceux qui suivent ne sont pas moins chargés. On peut conclure sans avoir fait Sciences Po que la ralbolisation des cervelles mosellanes est en route. Le plus gros  vient du 57.

Chacun de ces Mosellans humiliés (tiens, ça ne vous dit rien ?) pose la même question au Président de l’université lorraine, en lui secouant la barbichette.

_ Qu’est devenu Mista ?

Ce nom vous dit quelque chose ... Mista... Bon sang ! Mais c’est bien sûr… Il  fait penser à un refrain célèbre écrit en 1965, ce qui ne nous rajeunit pas. Nino Ferrer, un chanteur très attachant mais remonté comme une pendule, descendait en hurlant les escaliers du métro et questionnait la cantonade :

_ Z’avez pas vu Mirza ?

 

2

  

Je conviens que le rapprochement a des limites. La Mirza de Ferrer était une chienne alors que la Mista du Président est une école d’ingénieurs. La première est un tube alors que la seconde est un rêve coincé dans les tuyaux.

Où est donc passé ce chien ?

Je le cherche partout

Où est donc passé ce chien ?

Il va me rendre fou

Où est donc passé ce chien ?

Oh yeah, ça y est je le vois

C’est bien la dernière fois

Que je te cherche comme ça

Lala Lala Lala

 

Pour MISTA, c’était moins « oh yeah » : depuis deux ans déjà, cette fameuse Ecole était promise aux Mosellans même si le  cadeau de mariage avait traîné. Tout le mone comprenait que, venant de Nancy, le beau geste avait doublement du mérite. L’ennui, c’est que Mista s’était perdue en route... Personne ne l’avait vue se noyer dans la Moselle car ils n'ont plus  de garde-champêtre à Pont-à-Mousson.

La chance, pourtant, c’est qu’au lieu d’arriver en avril comme d’habitude, les giboulées de mars étaient à l’heure… Une rafale de questions avait subitement secoué les voilures de cette Ecole fantôme.. Sous la pluie qui tombait dru depuis, la mer avait enfin débordé.

Oh yeah, ça y est je la vois

C’est bien la dernière fois

Que je te cherche comme ça !

Trois ans après le tube de Nino Ferrer, il y eût 1968… On se souvient de la suite. Le 27 mars 1969 à Strasbourg, le recteur Bayen regarde les Messins dans les yeux avant de leur lâcher, en grand seigneur, une injonction devenue célèbre : “Vous voulez une université, prenez là ! “

Metz l’avait prise en effet, avec passion. Elle n’en revenait pas d’avoir gagné mais ne pouvait s'empêcher de se méfier, par atavisme. L’élégance avec laquelle Strasbourg avait soldé la fin d’aussi vieilles amours ne masquait-elle pas quelque rancune ? Par maitrise intellectuelle, par intelligence politique et pour sauver l’image de l’institution, le recteur avait peut-être minimisé le fait d’avoir été plaqué... En ce temps-là, les amants éconduits savaient sauver la face quand ils étaient bien élevés.

   Cinquante années plus tard, tout a bien changé. Le monde des clercs est devenu brutal et le savoir-vivre universitaire a disparu en France. Le demi-siècle de réenchantement lorrain, imaginé à l’ombre des mirabelliers en fleurs, n’a pas eu eu lieu. Les Mosellans, pas rancuniers, ont certes oublié à Strasbourg leur vieux plumard sous la mansarde, mais s'ils  dorment aujourd’hui à Nancy dans  un dortoir ensoleillé, c'est dans un lit en portefeuille.

On s'en doutait. En janvier 2012, l’idée de réunir , dans un espace de grande envergure,  deux entités lorraines aux contours aussi disproportionnés, cette idée disai-je, partait  d’un bon sentiment, mais ça ne voulait pas dire qu'à terme, et vue de Nancy, elle aie  impliqué dans dix ans, dans vingt ans, une cohabitation rééquilibrée. Et puis quoi encore ?

Les Messins ne s’étaient jamais fait d’illusion… Leur petit doigt savait dès le départ qu’il serait difficile de planter des pilotis assez pointus pour s'incruster dans les marécages d'un imaginaire frontalier  truffé d'images d'Epinal, d'émotions complexes et de cocoricos en vrac.

Malgré ce flou dont le nord-lorrain gardait conscience, le projet d’une Ecole d’ingénieurs de cette dimension à Metz (management, ingénierie, sciences et technologies avancées, excusez du peu) restait la moindre des choses alors que Nancy en avait déjà dix du même tonneau !

Même si une minorité de Mosellans avait pu  craindre  que cette implantation leur soit consentie avec condescendancen, jamais l’idée ne les avait effleurés que sous le mol édredon de la nouvelle Université lorraine, des greffiers puissent, de MISTA, bricoler l'organigramme en douce.

C’est bien la preuve que dans cette mystification, il y avait un os.

 

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